L’économie sociale et solidaire tire ses origines au Moyen-Age et dans les travaux des théoriciens du XIXe siècle. A cette époque, d’une part la solidarité est considérée comme un principe de protection capable de limiter les injustices de l’économie de marché, de l’autre cette solidarité pouvait se transformer en pratiques d’entraide mutuelle et d’auto-organisation au service de l’économie.
Mais le développement de l’économie sociale intervient en Europe avant le dernier tiers du Xxe siècle dans ce souci qu’ont les sociétés de recourir à d’autres stratégies de développement économique. En Amérique du Nord on parle d’une existence de plus d’un siècle au Canada où elle a contribué au bien-être et à la croissance économique que ce soit par le mouvement associatif, ou à l’aide d’associations axées sur les citoyens qui ont répondu à divers besoins socio-économiques d’années en années. Les raisons qui poussent au développement de cette troisième voie de l’économie sont multiples : la crise du début des années 80, l’incidence de la mondialisation, l’ouverture des marchés, la restructuration économique, les changements sociaux et politiques associés à la restructuration de l’Etat-providence… Sur ce dernier point, les populations mettent en cause les lourdeurs bureaucratiques et centralisatrices des institutions redistributives qui selon eux, bloque l’innovation, tout en engendrant le contrôle social et le clientélisme ; tout cela entraînant « la survivance de fortes inégalités » malgré « une apparente normalisation égalisatrice »
Sous l’influence de différents courants et à l’initiative du mouvement ouvrier, mais aussi d’une partie du patronat, l’économie sociale et solidaire, en faisant son entrée par voie réglementaire dans le droit français à la fin de l’année 1981, désignera « les coopératives, les mutuelles et celles des associations dont les activités de production les assimilent à ces organismes. » Elle est aussi considérée comme un ensemble d’activités correspondant à des besoins sociaux qui trouvent leur satisfaction dans le « tiers secteur associatif. » En ce sens c’est un ensemble de services pris en charge par les associations. D’autres auteurs intègrent dans cette approche définitionnelle son aspect démocratique découlant d’engagements citoyens, tout en la distinguant d’une dérégulation qui aboutirait à de la charité de la part des pouvoirs publics. C’est ainsi une économie hybride associant citoyens, opérateurs économiques et collectivités publiques dans un cadre d’échange et de dialogue qualifié d’espaces publics de proximité. Sont ici aux prises les ressources marchande, non marchande et non- monétaire.
L’intérêt de traiter de l’économie sociale et solidaire en Afrique est double. Premièrement c’est une économie qui est perçue comme une alternative aux deux approches classiques de l’économie- le libéralisme et le socialisme- et qui peut être une solution ou « la solution » à l’exclusion, au chômage et même à la violence quotidienne de nos villes et villages. En ce sens elle s’inscrit dans une sorte de dépassement de ce que Kindleberger appelle « la loi des alternatives », celle qui a toujours confiné la pensée économique dans un carcan dualiste entre le capitalisme et le socialisme. Deuxièmement les politiques publiques qui soutiennent les initiatives d’économie sociale et solidaire peuvent contribuer à de nouvelles régulations économiques et donc à la réduction des injustices de l’économie de marché et des limites de l’Etat-providence.
La principale visée de cette réflexion est de discuter des nouvelles perspectives gouvernementales de cette économie telles qu’elles se dessinent dans les pays développés et telles qu’elles pourraient se dérouler dans nos pays en voie de développement. Il s’agit donc de cerner les dynamiques gouvernementales de cette économie, de voir dans quelle mesure elle pourrait être transposée dans les pays en voie de développement, et d’en indiquer les pistes pratiques de mise en oeuvre.
Notre thèse est que l’économie sociale et solidaire est un mécanisme capable d’enrayer l’exclusion, la pauvreté et la violence de nos villes et villages. C’est une grande force de développement socio-économique qui peut être le fer de lance d’importantes initiatives favorisant la création de milliers d’emplois, tout en répondant aux besoins sociaux, économiques et culturels des pays en voie de développement. Mais quelle est la place qui est la sienne dans le modèle économique de l’Union Africaine ?
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